Comme j’ai promis à la bibliothécaire de rendre au plus vite Minuit dans la ville des songes, de René Frégni qui vient juste d’arriver à la Médiathèque, qui est en lice pour le prix des lecteurs du Var 2022 et que je suis autorisée à emprunter bien qu’il ne soit même pas encore mis en rayon, lire dans la salle d’attente en se réjouissant du retard du médecin, lire dans l’ascenseur pour rejoindre le parking, lire en attendant le dîner, lire après dîner et après avoir rangé vite fait bien fait la cuisine, lire jusque tard dans la nuit, si tard que même les cigales sont couchées quand on éteint la lumière, lire en prenant le café le matin, lire à l’arrêt de bateau, lire dans le bateau, lire sur le quai à l’arrivée et finalement décider de s’asseoir sur un banc un moment, lire en faisant la queue chez le marchand d’olives dont on peut se réjouir qu’il soit bien achalandé, lire en attendant le bateau du retour, pouvoir continuer à lire car finalement j’ai raté le bateau, lire dans le bateau, lire en attendant de repartir après avoir rangé vite fait bien fait les courses du marché, lire dans la voiture à l’aller, tu vas avoir mal au cœur, tant pis, lire dans la voiture au retour, tu vas encore avoir mal au cœur, tant pis, lire toute la fin de l’après-midi en compagnie des chats et, au moment où le livre est terminé, comme on est samedi soir et que la Médiathèque ne rouvrira pas avant mardi, recommencer à le lire plus tranquillement car c’est vraiment un très chouette livre sur les livres qui aident à vivre et envisager d’aller pour lire dans la forêt s’installer au pied d’un arbre, sur un banc sur le port, à une table du Provence Plage, à l’ombre du fort Balaguier face à la mer, à la plage le soir, un peu tard jusqu’à ce que la nuit tombe, bien installée l’après-midi dans la fraîcheur et le silence de la maison, etc.
gourmandise de mots - Page 2
-
Lire Minuit dans la ville des songes, de René Frégni
-
En lisant. Pierre Morency.
Dans le sac à dos, en ce moment, L’œil américain, de Pierre Morency. Lecture lente, très lente, car c’est un grand plaisir de relire quelques passages plusieurs fois. Comme une gourmandise. Et, on peut le dire, comme une extase, ainsi des pages sur le pissenlit. Ou d'autres... Alors, pour partager, voici un extrait :
« Tout a été découvert, sommes-nous portés à penser dans nos moments de lassitude. Pendant ce temps-là, dehors, une exubérance à chaque seconde se renouvelle, les racines travaillent, les sources montent, les poissons fulgurent dans le torrent, les écorces crient, les feuillages se peuplent de nids, les nids répandent des chants, les gazouillis répondent à des feulements, des plaintes s’enroulent dans les creux du silence, les arbres inventent des musiques, les champs ondulent et crépitent à midi, les fleuves d’odeurs comblent des museaux, chaque aube a son soleil à nul autre semblable, chaque soir soulève des tours de sons inouïs, la nuit porte des lueurs, des oreilles se tendent pour tout saisir, des yeux cherchent des yeux, on marche sous les pierres, on pousse à la lisière, tout va mourir bien sûr, tout va partir en poudre sous la terre ou dans le vent, mais tout cherche à naître encore et toujours. Que jamais ne nous déserte cet éclair qui nous tient aux aguets. »
Pierre Morency, L’œil américain, p. 22/23, Le mot et le reste, 2021 pour l’édition française.